Noirs Désirs (1)
[Orthographe initiale du groupe]
Ceux qui me connaissent bien (ou qui ont partagé mon bureau :)) savent que NoirDez est MON groupe. Je parle musique (et non pas justice).
J’admire la constance chaotique dont ils ont fait preuve depuis vingt-quatre ans, j’aime ce rythme lent de maturation, ces ruptures, ces retrouvailles toujours malgré tous et tout, une amitié solide comme un rock(‘n roll), indéfectible. J’aime la façon qu’ils ont, non pas de se renouveler, mais de nous surprendre carrément en prenant des virages à 360° qui nous perdent, hop tu tournes tu tournes et tu ne sais plus où tu es…
J’aime les influences diverses et variées (variet’, punk, rock, musiques orientales, musique traditionnelle, etc.) qui s’assument, souvent à contre-courant, et qui pour moi dénotent une vraie recherche/culture musicale… ou bien tout simplement une putain d’inspiration ?! J’aime le pot pourri des genres, particulièrement abouti sur Des visages des figures avec des invités comme Akosh ou Manu Chao.
Le côté anarcho-révolutionnaire n’est évidemment pas pour me déplaire. J’ajoute à cela la voix cassée, parfois trop cassée pour-de-vrai, de Bertrand Cantat et surtout, surtout, des textes ésotériques qui me parlent droit au coeur. A chaque écoute, ou bien en fonction de mon humeur, le texte prend un sens nouveau. N’est-ce pas cela qu’on appelle poésie ?
Je ne pouvais donc pas taire ce petit raz de marée qui est en train de se produire. Depuis 24 heures, le groupe a mis en téléchargement sur son site deux nouveaux titres. J’essaie depuis hier de les télécharger mais il y avait tellement d’affluence que je viens à peine de terminer l’écoute du premier morceau “Le temps des cerises”.
Que Bertrand Cantat ait choisi ce chant révolutionnaire, écrit par Jean-Baptiste Clément, ne m’étonne évidemment pas. Tour à tour orateur (“A bas les exploiteurs ! A bas les despotes ! A bas les frontières ! A bas les conquérants ! A bas la guerre ! Et vive l’Egalité sociale”), révolutionnaire exalté et exilé, Jean-Baptiste Clément a été condamné à mort par contumace alors qu’il était en exil puis finalement amnistié. Son parcours n’est pas sans présenter quelques similitudes avec celui de Bertrand Cantat… qui n’aurait pas pu choisir un meilleur texte pour parler des événements de Vilnius sans en avoir écrit un seul mot. Tout y est : les amoureux, les chagrins d’amour, les gouttes de sang, les peines cruelles, la plaie ouverte, etc.
Quand nous chanterons le temps des cerises,
Et gai rossignol, et merle moqueur
Seront tous en fête !
Les belles auront la folie en tête
Et les amoureux du soleil au cœur !
Quand nous chanterons le temps des cerises
Sifflera bien mieux le merle moqueur !Mais il est bien court, le temps des cerises
Où l’on s’en va deux cueillir en rêvant
Des pendants d’oreilles…
Cerises d’amour aux robes pareilles,
Tombant sous la feuille en gouttes de sang…
Mais il est bien court, le temps des cerises,
Pendants de corail qu’on cueille en rêvant !Quand vous en serez au temps des cerises,
Si vous avez peur des chagrins d’amour,
Evitez les belles !
Moi qui ne crains pas les peines cruelles
Je ne vivrai pas sans souffrir un jour…
Quand vous en serez au temps des cerises
Vous aurez aussi des chagrins d’amour !J’aimerai toujours le temps des cerises,
C’est de ce temps-là que je garde au cœur
Une plaie ouverte !
Et dame Fortune, en m’étant offerte
Ne saurait jamais calmer ma douleur…
J’aimerai toujours le temps des cerises
Et le souvenir que je garde au cœur !
Et non je ne dirai pas un mot ;) sur mes convictions que oui c’est un assassin, que non il n’a pas à imposer sa présence vocale et scénique à la famille de Marie Trintignant, que oui il a purgé sa peine et payé sa dette, que oui cette peine était sans doute trop légère mais elle a été attribué par un jury, que oui il a le droit de reprendre son ancien métier en sortant de prison, et que non il n’a pas le droit parce qu’il n’a pas un métier tout à fait comme les autres, qu’on se passerait bien de ses leçons sur le monde qui ne tourne pas rond, mais n’a-t-on plus le droit de s’exprimer quand on a commis un crime… ? A quoi sert alors l’hypocrisie de la réhabilitation ?
Tout dans cette histoire n’est que paradoxe, atrocité et passion, un cocktail contradictoire qui nous ramène toujours au bout du bout : le moment où un être humain peut basculer et dont on croit tous être à l’abri.
Et deux questions qui n’ont aucune réponse commune : Peut-on réduire un être humain à son crime ? Qu’y a-t-il de pire que de voir son enfant assassiné ?
Certains problèmes n’ont pas de solution. Inutile donc de la chercher.
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