Cher Michael

Tout le monde parle de toi aujourd’hui. J’aurais préféré que ce soit pour s’extasier sur ta dernière performance live mais c’est juste pour dire que tu es mort.

Mort ? Mais comment oses-tu mourir ? Tu n’as donc pas compris que pour certains tu ne mourras jamais ?

Je ne sais pas de quoi tu es mort, car je ne crois pas à la thèse de la crise cardiaque, quelques semaines avant tes concerts à Londres. Tel que je te connais, ça doit faire au moins 18 mois que tu travailles 12 heures par jour pour remonter sur scène, que tu sues sang et eau dans ton t-shirtounet blanc pour toucher à la perfection… alors crise cardiaque ? Peut-être pas. Peu importe.

Je viens de lire tout ce que je pouvais dans les news du jour et vois-tu, je suis attristée de ce monde. Un monde qui ne parle que d’un artiste sur le déclin qui se blanchissait la peau et était sur la paille. Si c’est tout ce que ce monde veut retenir du King of Pop alors définitivement, je ne fais pas partie de ce monde. Je m’en irai toujours.

J’ai pleuré ce matin, je pleure encore car une part de mes rêves est morte avec toi. C’est à ça qu’elle servait ta mégalomanie : à nous faire rêver. Tout le monde pensait que tu prenais pour le roi du monde, mais moi quand je te voyais danser, je ME prenais pour la reine du monde. Alors Merci.

Noa aussi est partie à l’école en pleurant, en répétant qu’elle ne te verrait jamais sur scène. Tu vois, le rêve s’est transmis : le moonwalk, pour elle, c’est bien plus magique que toutes les conneries de chorégraphies (dont tu es d’ailleurs le précurseur) qu’elle a pu voir à la télé. Et Dieu sait qu’elle en a vu. Alors t’inquiète pas trop Michael, on veille au grain, mon petit Léo grandira aussi avec tes chansons, comme Noa il surmontera sa peur des monstres grâce à ton Thriller (“Maman ? c’est trop cool, les vrais monstres ils font du slime aussi ?”).

Alors, bien sûr, ce matin à la radio, notre parterre journalistique qui ne vole pas au-dessus des paquerettes a parlé de ton caisson à oxygène, de tes chirurgies… Ca me fout dans une colère noire tu vois. Ca regarde qui tout ça ? Bon sang, c’est ta peau, ta vie, ton cul (comme dirait Coluche). Après tout, tu dois avoir de sérieuses raisons perso pour vouloir faire tout ça. L’envie de t’inventer une vie que tu n’as pas eue, d’être quelqu’un d’autre, de tout contrôler jusqu’à l’incontrôlable ? Comme Neverland était un moyen d’acheter une enfance que tu n’as pas eue ? Enfin bref, pour moi c’est comme les tatouages : si t’es prêt à toucher à l’intégrité de ta personne (à ta peau en l’occurrence) c’est que tu le veux bien et personne n’a à te faire chier avec ça. Ca te regarde. Manifestement, Noa est d’accord avec moi “C’est comme si on n’avait pas le droit de changer de couleur de cheveux tous les jours non mais !”

Donc, pour apporter mon caillou à l’édifice, j’ajoute pour ceux qui ne te connaissent pas bien que

– le premier clip (digne de ce nom) c’est toi. 11 minutes de Thriller. 11 minutes de Bonheur.

– le premier black à avoir son clip sur MTV c’est toi. Eh oui, c’est la stricte vérité mais le rap est passé par là depuis avec ses blacks en gros 4×4 et a roulé dessus.

– la chorégraphie moderne (inspirée de Fred Astaire d’ailleurs), c’est toi. Christina Aguilera et Britney n’ont qu’à aller remettre leur petite culotte.

– l’écologie en chanson, c’est un peu toi aussi. Ils se foutaient bien de ta gueule à l’époque, avec ton ‘Heal the world’ naïf, mais depuis, ils ont tous fait pareil. En pire.

– l’inventeur du morphing, c’est toi (pour ton clip Black or White).

– l’inventeur des chansons solidaires (et du concept), c’est toi. Grosse parentèse ici : 1985, USA for Africa, “We are the World”. My God Merci Merci Merci Merci pour ça : Al Jarreau, Bob Dylan, Billy Joel, Kenny Rogers, Diana Ross, Tina Turner, Ray Charles, Cyndi Lauper, Kim Carnes, Smokey Robinson, Paul Simon et un duo Stevie Wonder-Springsteen à la fin, le tout orchestré par Quincy Jones himself. Toutes mes idoles sur une seule chanson. Michael, il tue ton casting. J’ai, à ce jour, pas vu mieux.

– le premier black dans toutes les discothèques de blancs, c’est toi.

Bon, et après, je peux pas dire tout ce que tu as inventé, j’ai pas la place et puis, tu sais bien que je sais ;)

Ah tiens ! Au passage, je voulais te dire, puisqu’on est entre nous, que ces 2 histoires avec les gamins, j’y ai jamais cru. D’abord, je suis peut-être un peu naïve, mais quand on a écrit une chanson qui dit “We are the world, we are the children, we are the ones who make a brighter day”, je crois pas qu’on puisse faire ça. Ensuite, si ça avait été mes gamins, eh bien j’aurais jamais accepté 23 millions de dollars pour régler le truc, surtout s’il y avait une histoire de business entre nous. Tu vois ce que je veux dire ? Je te jure que je t’aurais traîné jusqu’au bout pour savoir la vérité, et sans un centime à la clé.

Le monde ne tourne plus très rond de toute façon… Moi je pense que c’est ton salaud de père qui aurait dû y passer à ta place. Lui qui s’est moqué de ton gros nez quand tu avais 5 ans, lui qui ne t’a prodigué de l’amour qu’à coups de ceinturon dans les coulisses après chaque concert des Five. Alors en relisant un peu tout ça, et en écoutant ces cons à la radio en même temps, je me dis que c’est un peu too much pour un seul homme, que t’étais peut-être un peu trop fatigué de porter tout ça et que tu a voulu qu’on te laisse un peu seul. Soit. Fais la bise à Maman quand tu la verras, ça lui fera plaisir car elle t’aimait bien elle aussi !


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