Descendre la herse et remonter le pont-levis

Mon petit château de bois, mon fort dans le désert est assiégé. Par la laideur et la bêtise du monde. Par l’incompétence crasse de ceux qui, en plus d’être incompétents, n’en ont rien à foutre. Leur bêtise et leur cruauté me pèse, me met à terre. Je ne supporte plus que ce soit toujours aux moins cons de s’adapter aux plus cons, ça m’est devenu intolérable cette dictature du médiocre, cette hégémonie du moindre effort.
Ce sont des petites et des grandes choses qui m’assiègent, m’étouffent. Peu importe d’ailleurs si c’est du détail, ça irrite, ça horripile tout autant.
Il y a ces artisans qui n’envoient jamais leur devis, ceux qui commencent un travail et le finissent 2 mois plus tard – après 7 relances, ceux qui vous prennent pour un pigeon parce que vous êtes une “petite dame”, ceux qui sont carrément malhonnêtes, ceux qui menacent (comme Artisans de Retiers qui a tenté une intimidation verbale parce que je contestais leur facture délirante – ils ont été servis).
Il y a la bêtise de ce projet de la voisine, dresser des murs là où il n’y en a pas besoin. La meuf achète 2000 m2 de terrain en campagne et premier réflexe : clôturer. Parce qu’elle ne sait pas éduquer son enfant de 10 ans qui pourrait se jeter sous une voiture sur la route (il faudrait qu’il vise super bien, vu qu’il n’en passe que 4 par jour). Aussi, parce qu’elle n’a aucun goût. Surtout, parce qu’elle vit dans la peur.
Il y a son père, au visage fermé, qui ne dit jamais bonjour. Qui tond chaque semaine pour elle, toujours sans dire bonjour et en laissant des grosses mottes d’herbe agglomérée. Il ne ramasse pas, il ne tond jamais au même endroit ni à la même hauteur, c’est moche. Le mauvais goût de famille. Son animosité envers moi est palpable. L’animosité a priori des vieilles personnes. Rassure-toi vieux, elle est réciproque maintenant.
Il y a l’incompétence de celui qui a (mal) soudé cet aérographe tout neuf, nous obligeant ma pougne et moi à refaire 2 heures de route pour un échange. Il y a ces prix exorbitants, partout, pour de la merde chinoise en barre, ces colis défectueux à retourner, ces attentes interminables quel que soit la hotline que tu appelles, ces personnes qui ne répondent jamais clairement à une invitation (ou trop tard), ces politicards véreux, ces maris pervers qui harcèlent leur femme et triomphent (y compris financièrement) dans les divorces. Il y a les fascistes partout et la police de la bienpensance, évidemment, la haine sur les réseaux, surtout contre les femmes.
Avant j’aurais rendu coup pour coup. Je l’ai fait, pendant des années : sniper embusqué de la mysoginie, de la paresse, de la médiocrité. Mais ça ne change rien. Ils sont de plus en plus nombreux, de plus en plus cons, de plus en plus violents. Et persuadés qu’ils sont dans “leur bon droit”. Ce serait désormais un job à plein temps. Et j’en ai assez de tenir les armes, j’aspire à la paix dans un monde assoiffé de sang.
Un jour, sans doute, il faudra hisser le drapeau blanc, se rendre aux chiens, à tous ceux qui ont inversé nos valeurs, qui ont transformé les faits une opinion, les vérités en faits alternatifs, fait de l’altruisme un fléau et de l’ignorance un fier étendard.
Ou alors ils faudra abandonner le fort et fuir. Renoncer à ce qu’on a construit et partir. S’exiler. Y compris intérieurement. Devenir autre, au moins en surface. Pour tolérer leur contact. Mais, comme tout exilé, se languir secrètement et éternellement d’une terre originelle plus fertile, plus juste.
En attendant cette reddition, je descends la herse et lève le pont-levis.
J’éteins mon téléphone, je choye mes enfants et souris en faisant du vélo. Je lis, j’apprends une langue étrangère, j’écoute des podcasts, je me replonge dans le design, la musique, la mode des années 80, je plante des salades, des tomates, des melons et des fleurs par milliers. Et plus que jamais le yoga : juste mon tapis sur le sol en tripli de la yourte, le soleil par le toit transparent et le chant du coucou.
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